Jamais Fasol ne m’avait ainsi exprimé sa volonté. Je savais son désir viril, désir combattu jusque-là, par son égoïsme d’artiste, heureux que je fusse stérile. Le mâle aujourd’hui était le plus fort. Il voulait s’assurer une race aux dépens de ma beauté. Plutôt mourir, me disais-je, si je ne puis sauver ma vie qu’en l’humiliant à jamais. Paraître devant Guido avec l’enfant de Fasol, cela me semblait le plus atroce supplice.
— Le médecin, fis-je, m’a dit que j’en mourrais.
— Toi ! Par Bacchus ! une fille aussi saine et forte que tu l’es… Vois-tu, Nichina, tu me trompes : tu aimes un homme.
— Eh bien oui ! j’aime un homme, es-tu content ?
— Veux-tu que je te dise qui tu aimes, continuait Fasol, le veux-tu ?
— Je te défends de t’occuper de mon amour, pourceau ! je t’ai donné mon corps : tu n’as rien à réclamer de plus.
Fasol reprit avec fureur :
— Tu aimes Guido, ce sodomite infâme !
— Oui, je l’aime, m’écriai-je, tandis que toi, je te hais ; c’est pourquoi je ne veux plus te voir.
Et là-dessus, je descendis sur la Place Sainte-Marie-la-Belle.
— Nichina ! appela Fasol d’une voix désespérée.
Au bas de l’escalier, je levai la tête.
— Je ne reviendrai jamais ! jamais !
Alors j’entendis éclater ses sanglots. Je pressai le pas, car je me suis toujours sentie faible devant un homme qui pleure.
Je voulais revoir Guido coûte que coûte ; sans crainte de la haine du cardinal, du scandale de ma présence