Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ne me parlez de cet homme, répliquai-je ; je ne croyais pas qu’on pût faire de ce muscadin un général.

— Vous ne connaissez pas ses mérites ; il est admirable de courage, de clairvoyance et de décision : il l’a montré dans la dernière guerre ; malheureusement, le bruit court qu’il est amoureux, et l’amour ne s’accorde guère avec la stratégie.

Nous passâmes la nuit ensemble, mais lorsqu’il voulut m’enlacer, je me défendis avec colère.

— Ceci n’est point dans nos conventions, m’écriai-je.

Et nous dormîmes l’un près de l’autre comme des frères.

Dès l’aube, les cornets et les tambourins nous réveillèrent. Le capitaine m’amena le cheval noir que je devais monter et sauta lui-même en selle, tandis que ses hommes se mettaient en marche. Quand je vis derrière moi, devant moi, s’ébranler cette forêt de piques et de hallebardes, je fus comme emportée par un élan de joie aventureuse et guerrière. À une fenêtre, je reconnus un jeune homme qui m’avait aimée une nuit de toute la force de ses vingt ans. Il me sourit et me jeta des fleurs. Je pensai qu’il gardait de moi un souvenir doux et tranquille comme d’un beau soir d’été ; je fus heureuse d’être aimée ainsi et je lui envoyai un baiser.

Nous fîmes un voyage lent et pénible avec des vivres insuffisants, par des routes mauvaises, sous des pluies incessantes. Le capitaine, occupé de ses hommes, devait me délaisser souvent et je m’ennuyais, je m’effrayais de rester seule, durant des heures, au milieu de ces soudards dont chaque coup d’œil trahissait la convoitise. Enfin, après des journées de marche, non loin de Laudes, dans une région de prairies, nous aperçûmes les fossés qui entouraient le camp pontifi-