Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/420

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous allez me donner la clef de votre cassette, vous allez me la donner tout de suite, vous entendez ! ou je vous tue !

— Oui ! oui ! oui ! j’y consens, fit Coccone.

Mais une fois que le Cardinal l’eut lâché, il rajusta son camail, releva sa ceinture sur son ventre effacé, puis, tranquillement :

— Je ne vous la donne pas.

Et comme le cardinal le menaçait de nouvelles violences :

— Restez tranquille, continua-t-il, ou j’appelle au secours. J’ai encore de la force dans la voix et l’on m’entendra.

Il ajouta sur un ton de confidence :

— Vous êtes un homme trop intelligent, monseigneur, pour ne pas me comprendre. Ma perte ou ma ruine vous serait inutile. Je sais, il est vrai, que vous seriez heureux de ne point partir seul pour l’autre monde, mais ma courtoisie, si grande qu’elle soit, se refuse à vous y accompagner.

Le cardinal ne répondit rien ; il allait et venait dans la chambre, tandis que la voix des chanteurs, réunis dans la salle d’Alexandre, leur arrivait en phrases voluptueuses.

L’abbé Coccone poursuivait son discours :

— Vous êtes forcé de quitter ce pays et d’aller demeurer loin de Venise, de Rome, de Florence, — loin de tous les lieux où vous aimez vivre. Croyez-vous que cette existence à l’étranger, sans luxe, sans autorité, au milieu des barbares, ne vous paraîtra pas bientôt intolérable ? Vous exécuterez alors, lâchement et sans bénéfice pour personne, ce qu’il serait beau de faire aujourd’hui, par égard pour votre mémoire et pour l’Église dont vous êtes le représentant.

— Ah ! faisait Benzoni, quitter mon cher enfant