Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/51

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me dit qu’on ne l’avait point vu. Je rentrai à la maison, espérant qu’il s’était couché à notre insu, et j’allai au petit lit où chaque soir, avant de m’endormir, je venais lui donner un baiser. Ce fut en vain que je cherchai sa tête, que je tâtai les couvertures pour rencontrer les formes de son corps : le lit était vide.

J’appelai de toutes mes forces.

— Guido ! Guido ! mon Guido ! où es-tu ? oh ! reviens ! reviens !

Mon père, en entendant mes cris, cessa de soupirer.

— Vas-tu te taire, fit-il, enfant de Satan !

Un sanglot fut ma seule réponse.

Je revis mon cher compagnon de jeux, ses beaux yeux noirs et ce front triste qu’il avait toujours baissé. Je songeai à ses timides caresses, à la honte qu’il éprouvait devant moi comme si j’eusse été une grande femme pour lui, quand moi, de toute mon âme, je lui suçais la bouche et les yeux ; je me rappelai les méchants tours que je lui avais joués par plaisanterie, et je me reprochai de l’avoir abandonné pendant la fête, lui qui m’avait si généreusement défendu le matin. Je comprenais que le petit orphelin, recueilli par devoir, mais auquel mon père vendait si chèrement sa bienfaisance, avait besoin d’encouragement, et j’eus le regret de ne pas lui avoir mieux témoigné mon affection. Que j’avais été cruelle en me moquant de son air craintif et de son manque de hardiesse ! N’était-il pas un étranger dans notre maison ! Maintenant que j’avais peur de ne plus le voir, je me sentais triste à mourir. Il avait fallu son départ pour me montrer toute la force de mon amour.

Je me jetai sur son lit où je restai toute la nuit à sangloter pendant que mes parents faisaient retentir la chambre de leurs bruyantes caresses.