Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/56

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j’admirais sa veste de satin, ses escarpins de velours et son béret à la bordure de pourpre.

Il me dit d’un ton fier :

— Je suis page de Monseigneur le cardinal Benzoni, le légat de Sa Sainteté. Ah ! la vie m’est plus agréable qu’autrefois.

Il avait perdu son ancienne timidité, s’exprimait avec assurance, et je ne revenais pas qu’il se fût si promptement transformé.

— Et toi, Lucina, fit-il, que deviens-tu ? je vois que tu n’as pas changé. Oh ! qu’est-ce que tu as là ?

Un morceau du collier que ma mère avait arraché était encore fixé à ma robe comme un ridicule débris. Au bout de la chaîne pendait un petit coquillage nacré, brillant comme une perle. Il le mit dans mes cheveux ébouriffés.

— Ah ! Nichio, petite Nichio, ma Nichina[1], dit-il, comme j’ai pensé à toi !

— Pourquoi donc es-tu resté si longtemps loin de moi ?

— J’avais si grand peur, en te découvrant où j’étais, que mon oncle le sût et me reprît chez lui !

Puis, voyant mes yeux rouges :

— On t’a encore battue, dit-il.

Et de pitié il me baisa les paupières.

Pour cacher ma honte, je ne craignis point de mentir.

— C’est toi seul qui m’as fait pleurer.

  1. On sait qu’en italien Nichio signifie coquillage. On emploie aussi Nichio dans la langue érotique par une métaphore toute naturelle.

    Pâle et rose comme un coquillage marin

    a dit M. Stéphane Mallarmé de cette tendre chair que désigne parfois le mot italien.