Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/58

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vêtements contre les miens. Il y consentit d’autant mieux qu’il s’imagina, en se travestissant, jouer de bons tours à ses camarades. Chacun irait seul de son côté, et le soir nous nous reverrions. Mais une fois que je me fus habillée de ses vêtements, je partis pour ne plus revenir. Je me dirigeai aussitôt vers le palais du légat.

Ma physionomie masculine, mon corps d’enfant aux hanches encore grêles, l’habileté avec laquelle je me déguisai, trompèrent sur mon sexe le moine qui me reçut, et qui n’était autre que ce vieux paillard d’Arribavene…

Tous les regards se tournèrent alors vers le frère qui, satisfait de ce que l’on parlât de lui, approuvait gravement de la tête, baissait les yeux avec modestie et, les bras en croix, se frottait les pouces contre le ventre.

— Comment ! s’écrièrent les amies de Nichina, vous connaissez Arrivabene depuis si longtemps ?

— Nous nous connaissons de toute éternité ; il me semble qu’avant de venir au monde j’ai vu cette grosse face rouge quelque part ; j’ignore, par exemple, si c’est au ciel ou dans le ventre de ma mère… Quand il m’apparut chez le légat, il portait encore la robe du couvent des dominicains d’où il s’était échappé, après y avoir joué, comme frère convers, mille tours à Dieu et aux saints.

— Votre récit est exact, Nichina, reprit le moine, sauf en un point où vous me permettrez de le rectifier. Je ne me suis point trompé sur votre nature comme vous le prétendez ; seulement votre physionomie me plut si fort que je me résolus à devenir votre complice.