Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/65

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J’avais rejoint Guido, et, négligeant toute prudence, nous nous tenions enlacés ; Guido m’entourait la taille, tandis que j’appuyais le bras sur son épaule.

— Oh ! l’admirable groupe ! s’écria quelqu’un derrière moi.

Me retournant aussitôt, j’aperçus un homme de haute taille, tout habillé de soie noire, qui portait sur son pourpoint un collier d’argent. Une barbe touffue et frisée se mêlait aux boucles de son abondante chevelure et, sans en cacher le dessin à la fois mâle et délicat, couvrait une partie de ce visage dont la large bouche s’épanouissait semblable à une fraise humide de rosée. Des yeux étincelants de joie, de désir et d’ardeur, éclairaient cette face d’immortel.

— Il ne manquait plus que celui-là, fit Coccone à demi-voix.

— Monseigneur, remarqua l’inconnu, vos pages me serviraient bien pour mon groupe de Castor et Pollux.

— Ah ! Fasol, ce sont de beaux enfants, dit le cardinal qui venait de nous regarder.

Il s’approcha de Guido et, tandis qu’il le considérait, je vis ses yeux briller de plaisir. Alors, se penchant, il lui baisa le front à plusieurs reprises. Il me donna aussi un baiser, mais très vite et comme pour ne pas laisser voir qu’il me préférait Guido.

Puis, avec une subite indignation :

— Arrivabene, cria-t-il en me désignant, à quoi pensez-vous pour laisser ce garçon avec de pareilles loques ?

Le frère, tout confus, prétendit qu’il n’avait point de costume préparé pour moi.

— Eh bien ! continua le cardinal, il faut que le tailleur vienne aujourd’hui. Je veux que mes pages soient élégamment vêtus.