Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/80

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j’aurais couru grand risque de ne savoir, en fait de. latin, que le « tabernaculum, taberna culi, il faut te montrer aux bargelli ! »

— Arrivabene, ajoutai-je, ne dit en latin que ses prières à Vénus.

— Je vous demande pardon, mon frère, je connais la langue savante aussi bien que la vulgaire.

— Que m’avez-vous donc avoué, la première fois que nous nous sommes vus ?

Arrivabene se rappela, non sans déplaisir, qu’un soir, attendri par le vin, il m’avait confié son ignorance.

— J’oublie beaucoup à présent, dit-il, mais naguère j’ai beaucoup appris.

— À quoi cela vous sert-il aujourd’hui ! fit sur un ton de suprême dédain la Petanera, à qui on reprochait sans cesse de ne pas être allée à l’école et qui se réjouissait de toucher enfin, comme un nouvel Ecclésiaste, la vanité de la science.

— Cela me sert à ceci, que je puis, sans mensonge, affirmer que j’ai reçu une excellente éducation. Si j’avais autant de connaissances que le maître d’école m’a baillé de fois l’anguillade, j’aurais la tête plus grosse que Virgile ; mais le pédant qui avait mission de m’insuffler de la science s’est trompé de chemin : il devait se montrer à mon égard plus prodigue de paroles et moins libéral de fessées ; comme cela, ma conduite eût répondu aux vastes espérances de mon pauvre père, qui rêva toujours de me voir porter la pourpre cardinalice.

Tout à coup, la vieille mère de la Petanera, plus grosse encore que sa fille dont l’ampleur, pourtant, était illustre à Venise, et qui, jusqu’alors, avait tenu les lèvres scellées, ouvrit la bouche.

— Arrivabene, demanda-t-elle, c’est bien ton père qui était tailleur à Padoue ?