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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

Elle haussa les épaules.

— Bah ! fit-elle, une main énergique et un fouet, il n’en faut pas plus pour les tenir dans le devoir ; quant aux blancs, ce sont des lâches !

À peine nous étions-nous éloignés que nous entendîmes une fusillade. Dodue me conta qu’après leurs danses les nègres s’amusaient souvent à tirer des coups de feu, mais il arrivait plus d’une fois qu’ils se faisaient partir le fusil dans les jambes ou contre le ventre, car ils étaient déjà ivres, de cette ivresse frénétique que leur donne le tafia, mélangé, selon les sorciers, à la poudre.

— Vous voyez, me dit-elle, que j’ai dans la mains l’âme de la résistance et celle de la révolte. C’est moi qui ai conseillé à Figeroux de réunir ses amis, tout en sachant fort bien que Goring allait les exaspérer, et que les noirs esclaves chasseraient les affranchis. Ceux-là seuls sont à craindre parce que vous leur avez appris à penser… Je m’en garde le plus possible et si j’ai l’air de protéger Figeroux, croyez-le, ce n’est qu’en apparence… Ah ! si vous vouliez, comme il serait facile de le faire disparaître, aux Ingas, dans la montagne. Mais je vois que cela ne vous sourit pas… Du moins veillez sur Antoinette, chère madame, et sur votre plantation. Et, si vous épargnez Figeroux, surveillez-le, tenez-le sous clef ; le 10 août est une date dont vous devez vous méfier.

— Pourquoi ?

— Parce que les esclaves préparent une révolte pour ce jour-là. Il y aura sûrement des maisons pil-