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Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/219

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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


de créature, je te châtierai, tu vas souffrir dans ton corps vicieux, dans ta chair prostituée !… Antoinette, voulez-vous venir à la fin !

La colère et l’angoisse égaraient ma raison. Enfin je m’aperçus que les volets fermés à clef avaient été ouverts puis poussés du dehors. Je descendis dans le jardin. Peut-être n’était-elle pas encore sortie de la plantation. Je me mis à courir de tous côtés. Troussot me rencontra.

— Maîtresse, dit-il, faut venir avec toi ?

— Non, fis-je, reste ici. Cherchez Antoinette. Elle vient de s’enfuir de la maison.

Puis, me rappelant la lettre trouvée sur elle et le plaisir que prenait Troussot à causer avec les marins.

— Sais-tu, lui demandai-je, s’il y a un navire qui part pour la France, aujourd’hui ?

— Oui, dit-il, le Duquesne.

Un frisson agita tout mon corps.

— Et où est-il ?

— Au port Charlot.

— Donne-moi une lanterne et un manteau. Vite, je m’en vais au Cap.

— Toute seule, maîtresse ?

— Oui, toute seule.

Dès que Troussot m’eut rapporté ce que je lui avais demandé, je partis. Je ne craignais ni les attaques des nègres marrons, ni les difficultés du chemin. Je courais à tout moment au risque de tomber dans un précipice, me maudissant moi-même lorsque, faute de souffle, j’étais forcée de ralentir mes pas. La lune