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Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/92

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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


niales. Il nous suffira que la nation se soit prononcée pour nous.

— Mais les assemblées coloniales sont aussi la nation !

— Non, elles n’en représentent que la pourriture ! Mais en vain s’opposent-elles aux revendications sacrées d’un peuple malheureux. J’irai, dans chaque plantation, dans chaque case, s’il le faut, dire à tous les esclaves, aux vieillards vénérables comme aux enfants innocents, que la nation désire leur liberté.

— Faites-le, si cela vous amuse, mon révérend, répliqua Mme Du Plantier. Seulement attendez que les travaux des plantations soient finis. Une telle nouvelle leur causerait une émotion violente, les détournerait de leur labeur et pourrait nuire à la colonie.

— Ce qui nuit à la colonie, c’est l’ignorance et le servage dans lesquels on force à vivre des êtres sensibles, faits à l’image de Dieu. On a trop tardé à leur apprendre ce qu’ils étaient !

— Et s’ils allaient ne plus vouloir nous servir ? dit Mme de Létang.

— Ma bonne, répliquai-je, il faudrait nous soumettre et les laisser partir. N’usons jamais de la contrainte. Elle ne produit que des fruits sans saveur. Pour ma part je suis toute prête à me servir moi-même, à user de mes mains, à faire la cuisine et le ménage, si cela est nécessaire. Ma mère, qui était une fervente de Rousseau, m’a enseigné tous les métiers. Si vous goûtiez de mes soufflés à la maréchale, vous deviendriez gourmande.