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Page:Recherches asiatiques, ou Mémoires de la Société établie au Bengale, tome 1.djvu/404

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NOTES.

a presque rempli l’objet de ma visite ; et les doutes que tu pouvois seule bannir de mon cœur, sont presque entièrement dissipés ; mais écoute mon récit :

« Quand le fils de Ràvan, le géant à mille bras, eut lié Ram avec un serpent sorti de son front, Nâred me commanda de mettre en liberté le guerrier céleste ; et je me hâtai d’obéir fidèlement à cet ordre. Mais l’orgueil s’éleva dans mon sein ; et réfléchissant que la dévotion rend les mortels eux-mêmes exempts des fers de la terreur, j’en conclus que, si Râm avoit été véritablement un dieu revêtu d’une puissance infinie, il n’auroit jamais été emprisonné dans les plis d’un reptile. Toute la nuit je fus troublé par ces réflexions embarrassantes ; et l’arrogance que m’inspiroit le titre de libérateur d’un dieu, parvint à un tel degré, que ma raison m’avoit presque abandonné. Cependant je conservai assez de bon sens pour chercher la solution de mes doutes ; et courant à mon sage maître Nâred, je lui découvris mon secret.

Tu es tombé, me dit le fils de Brâhmah d’un air compatissant, tu es tombé dans les piéges de la passion, dont ne peuvent se garantir les êtres les plus vertueux, lorsqu’ils négligent d’exercer leur entendement. L’apparence qui fa trompé n’étoit que le maya [ou l’illusion] de Vichnou, qui m’a souvent abusé moi-même. Il est au-dessus de mon pouvoir de te donner un parfait soulagement : va au palais de mon père, et suis implicitement ses ordres.

Je volai avec toute la vitesse imaginable au ciel de Brâhmah, chantant les louanges de Vichnou, mon seigneur, et j’expliquai au dieu bienfaisant les motifs de ma perplexité. Le créateur garda quelque temps le silence, réfléchissant à la gloire de Râm et à la force de ses illusions. Puis, interrompant sa méditation : Il n’est pas surprenant, dit-il, que tu aies été déçu par une puissance qui m’atteignit moi même à l’époque de la création. Râm t’a éprouvé par une apparence illusoire ; et après avoir déroulé une chaîne vivante qui le tenoit captif, tu as passé toute la nuit, enflé d’orgueil, à admirer ta prouesse. Cours au palais de Mahâdéo, celui de tous les dieux qui connoît le mieux la suprématie de Râm : il dissipera tes soucis.

Je dirigeai aussitôt mon vol vers Cailâs ; mais je rencontrai le dieu destructeur près de l’habitation de Cobayr, l’opulent génie du Nord. Il écouta mon récit avec bonté, et m’instruisit en ces termes : Tu es sous l’influence d’une passion violente, dont mes paroles ne sauroient t’affranchir aussi