Page:Reclus - Étude sur les fleuves, 1859.djvu/11

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douce qu’ils forment avant de quitter le massif montagneux où ils ont pris leur source, sont d’une importance extrême pour toutes les contrées situées en aval. En effet, quand la masse d’eau qui descend des montagnes est très considérable, le lac la reçoit dans son vaste réservoir sans que le niveau en augmente beaucoup, et par suite, sans que l’affluent qui déverse le surplus des eaux grossisse subitement en dévastant les campagnes situées sur son parcours ; de même quand les ruisseaux qui alimentent le lac se dessèchent, ou diminuent de volume, le niveau du lac baisse très lentement à cause de la vaste étendue de sa surface, et le fleuve auquel il donne issue n’est pas sensiblement amoindri. Les grands lacs, en gardant dans leur vaste réservoir les eaux de l’inondation pour les jours de sécheresse, sont de véritables régulateurs qui établissent un système de compensation entre les saisons. Ils font dans la nature l’office des volcans ; ils emmagasinent la surabondance de force pour la rendre au besoin. Les lacs de la Suisse sont des exemples remarquables de ce système d’égalisation entre l’hiver et l’été.

Autrefois le nombre de ces lacs régulateurs situés vers la fin du cours supérieur des fleuves était beaucoup plus considérable qu’aujourd’hui ; mais ils tendent graduellement à disparaître, car la même loi qui les a produits tend également à les détruire : cette loi est celle de la pesanteur. L’eau mine incessamment les rochers qui s’opposent à son courant ; elle se glisse goutte à goutte dans les anfractuosités qu’ont produites les agents atmosphériques, elle pénètre dans toutes les