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L’ASILE.

il était né. Il me dit le nom des plantes, me montra les roches où se trouvaient les cristaux et les pierres rares, m’accompagna sur les corniches vertigineuses des gouffres pour m’indiquer le chemin à prendre dans les passages difficiles. Du haut des cimes il me désignait les vallées, me traçait le cours des torrents ; puis, de retour à notre cabane enfumée, il me racontait l’histoire du pays et les légendes locales.

En échange, je lui expliquais aussi bien des choses qu’il ne comprenait pas et que même il n’avait jamais désiré comprendre. Mais son intelligence s’ouvrait peu à peu, elle devenait avide. Je prenais plaisir à lui répéter le peu que je savais en voyant son œil s’éclairer et sa bouche sourire. La physionomie se réveillait sur ce visage naguère épais et grossier ; d’être insouciant qu’il avait été jusqu’alors, il se changeait en homme réfléchissant sur soi-même et sur les objets qui l’entouraient.

Et, tout en instruisant mon compagnon, je m’instruisais moi-même, car, en essayant d’expliquer au berger les phénomènes de la