Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/165

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avoir raison des plus hautes cimes ; elles renverseront les Andes et l’Himalaya, comme elles ont déjà renversé des crêtes non moins élevées, que les géologues nous disent avoir existé jadis.

Je me rappelle encore la terreur d’une nuit passée au bord de la Chirua, petit torrent de la Sierra Nevada, dans les État-Unis de Colombie. La journée avait été fort belle ; seulement un orage avait éclaté à quelques lieues de là dans les gorges supérieures de la montagne, et cet orage même avait contribué à la beauté de la soirée : le soleil s’était couché dans sa gloire et la splendeur de l’horizon empourpré avait été rehaussé par l’étrange contraste de ces nuages sombres aux reflets cuivreux, qui nous cachaient les cimes de quelques montagnes et d’où l’on entendait sortit un roulement continu. Du reste, à la tombée de la nuit, la violence de l’orage était brisée, le tonnerre se tut, les derniers éclairs s’éteignirent, et bientôt la lune, apparaissant au-dessus de la crête