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Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/171

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Durant l’inondation, le petit cours d’eau, oubliant ses habitudes pacifiques, se met à ravager et à détruire. Il emporte ses ponts, recreuse son lit, déplace ses remous et ses rapides, nivelle ses cascades, rase les parties de la berge qui s’opposent à sa marche, évide des grottes profondes à la base des falaises. Les herbes du fond sont arrachées, emportées en longs amas, et s’arrêtent aux rameaux des arbres ; plus tard on les retrouve enroulées à cinq ou six mètres du sol, ou suspendues à l’extrémité des branches comme les nids de certains oiseaux d’Amérique. Les trous, les terriers des rives s’emplissent d’eau ou bien s’effondrent sous la pression du courant ; les animaux, qui s’enfuient à l’aventure, se noient ou sont dévorées par les oiseaux de proie et les bêtes de la forêt ; les cultures de l’homme sont dévastées et couvertes de fange. Pour le « dur laboureur », qui a concentré tout son amour sur la semence germant dans le sol et sur la tige verte frémissant au soleil, l’inondation, si belle, si majestueuse aux