Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/175

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masse de verdure, uniforme et grandiose, paraît sans limites : on dirait qu’au-dessous du ciel bleu, la surface entière de la terre n’offre que des arbres et de l’eau. Devant moi, coule le fleuve rapide, inexorable : bien différent du ruisseau charmant qui babille et murmure, il coule vers la mer sans fracas, presque sans bruit, mais avec une sorte de fureur ; qu’il rencontre un obstacle, aussitôt ses eaux se contournent en puissants tourbillons où plongent les objets entraînés pour reparaître à une grande distance au delà. Des arbres flottants, des herbes, emportés au fil du courant, se suivent en longues processions ; parfois un tonnerre se fait entendre, c’est l’écroulement d’un lambeau de forêt que les eaux avaient minée. Travaillant sans cesse à l’œuvre, le fleuve détruit et renouvelle constamment ses rivages, ses îles, ses bancs de sable ; comme l’ouragan, comme la tempête, il est une force de la nature modifiant à vue d’œil l’apparence extérieure de la terre.

Peut-être dans l’avenir, ce cours d’eau, qui