Aller au contenu

Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aux jours naïfs de notre enfance pour comprendre la joie que nous donnait cette excursion de quelques pas sur une petite motte de terre entourée d’eau. Là, nous prenions des allures de Robinson : les saules naissant dans la vase autour du banc de sable étaient notre forêt ; les touffes de gazon étaient pour nous des prairies ; nous avions aussi des montagnes, petites dunes amassées par le vent au centre de l’îlot, et c’est là que nous bâtissions nos palais avec des branchilles tombées et que nous creusions des souterrains dans le sable. Les deux bras du ruisseau nous semblaient de larges détroits. Pour être plus sûrs de notre isolement dans l’immensité des eaux, nous leur avions même donné le nom d’océans : l’un était pour nous le Pacifique et l’autre l’Atlantique. Une pierre isolée que venait battre le courant se nommait la blanche Albion, et plus loin, une chevelure de limon arrêtée par le sable était la verte Érin. Il est vrai que par delà les îles et les mers, à travers le feuillage des ver-