Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/211

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rive où resplendit comme un saphir le plumage du martin-pêcheur. À qui donc est ce ruisseau dont nous nous disons les propriétaires, comme si nous étions seuls à en jouir ? N’appartient-il pas aussi bien, et mieux encore à tous les êtres qui le peuplent et qui en tirent leur substance et leur vie ? Il est aux poissons et aux nénufars, aux moucherons qui volent en tourbillons au-dessus des remous, aux grands arbres que l’eau et les alluvions du ruisseau gonflent de sève. Entre tous ces êtres, qui cherchent à se faire la plus large part, sévit une guerre implacable ; chacun, dans sa lutte pour l’existence, vit aux dépens de ses voisins. Quant à moi, je voudrais bien faire avec tous bon ménage, je tâche de respecter la fleur et l’insecte, et pourtant que de massacres je fais sans m’en apercevoir ! Je détruis des mondes d’infiniment petit lorsque j’entends sur l’herbe ma lourde masse ; je ravage des forêts, j’opère des cataclysmes dans l’histoire d’une peuplade imperceptible lorsque je grimpe sur un