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Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/214

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force à ceux qui ne craignent pas de s’y plonger ; toutefois, avant d’être accomplie, la cérémonie du bain peut nous sembler singulièrement redoutable. Il faut nous déshabiller à la hâte derrière un tronc pour être à l’abri du vent qui siffle ; il faut tâcher d’oublier le froid en nous étourdissant par la rapidité des gestes ; mais en vain, l’air nous saisit et nous rappelle à la dure réalité. À nos pieds, l’eau coule sombre, rapide ; d’avance nous sentons qu’elle est glacée ; le souffle qui la ride nous fait frissonner aussi. Pour avoir moins à souffrir des violentes caresses du flot, il nous faudrait agir avec décision et nous élancer brusquement dans le ruisseau ; pourtant nous hésitons, et deux ou trois fois nous prenons notre élan avant de bondir pour le dernier saut.

Enfin, nous avons triomphé de nos puériles terreurs, nous décrivons notre courbe au-dessus du courant et nous sentons l’air siffler à nos oreilles ; l’eau, qui s’ouvre sous nos têtes, mugit autour de nous : nous som-