Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/222

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l’eau pure et les ondulations de l’herbe frémissante. La nature a pour ses amants des séductions dont il faut savoir se défier comme de la voix des sirènes ou de la beauté de la fée Mélusine. En nous faisant trop aimer la solitude, elle nous entraîne loin du champ de bataille où tout homme de cœur a le devoir de combattre pour la justice et la liberté ! Oui, la nature est belle, nous devons en comprendre tout le charme, mais savoir en jouir avec une joie discrète, ne jamais nous abandonner à ses fatals enchantements.

Un des grands plaisirs du bain, plaisir dont on ne se rend point toujours compte, mais qui n’en est pas moins réel, c’est qu’on revient temporairement à la vie des ancêtres. Sans être asservis par l’ignorance comme le sauvage, nous devenons physiquement libres comme lui, en nous plongeant dans l’eau ; nos membres n’ont plus à subir le contact des odieux vêtements, et avec les habits, nous laissons aussi sur le rivage au moins une partie de nos préjugés de profes-