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Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/237

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enlevait la femme de son ami ; que sais-je encore ? Toutes les monstruosités imaginables se rêvaient dans ce cerveau. Certainement, l’artiste calomniait le pêcheur à la ligne, en lui prêtant ces hallucinations criminelles ; tant qu’il a l’œil fixé et le bras raidi au-dessus de l’eau, l’honnête homme n’a point conscience des images fugitives, bonnes ou mauvaises, qui flottent dans sa cervelle ; il est fasciné par les vaguelettes qui brillent, par les fossettes qui se creusent, par l’eau qui lui sourit et le poisson qu’il attend.

C’est peut-être à cause de cette étrange fascination exercée sur le pêcheur par les eaux libres du ruisseau que l’art de la pisciculture a fait si peu de progrès depuis les temps anciens. Des hommes par millions cherchent à surprendre le poisson sauvage qui se joue dans le flot ; bien peu nombreux, relativement, sont ceux qui cherchent à élever leur proie en captivité, pour la saisir et la dévorer au moment qui leur convient. Dans tous les pays dits civilisés, la chasse n’est guère