Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/258

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trées du Midi : en Provence, en Espagne, en Italie, en Indoustan. À son issue des montagnes, le ruisseau tapageur semble vouloir courir d’une traite jusqu’à l’océan ; il écume, il rage contre les pierres, il bondit de rapide en rapide, il emplit des vasques profondes d’un formidable azur. Comme un jeune homme entrant dans la vie et ne doutant de rien, il a devant lui l’espace immense et veut en profiter ; mais à droite, à gauche, de perfides barrages, de petites écluses enlèvent à son courant de minces filets d’eau, qui vont se ramifier au loin dans les jardins et les prairies. Appauvri d’écluse en écluse par tous ces emprunts, le ruisseau se transforme en ruisselet, son eau retardée se traîne en serpentant sur les galets, puis disparaît sous les sables, que le laboureur creuse de sa pioche pour recueillir encore les dernières gouttes du précieux liquide. À peine est-il arrivé dans les campagnes unies, que le joyeux fils des monts s’est évanoui.

Toutefois, en échappant à son lit, l’eau