Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/265

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Et dans l’intérieur de la maison, combien tout nous paraissait étrange, depuis l’âne philosophe, ployant sous le fardeau des sacs que l’on déchargeait près de la meule, jusqu’au meunier lui-même à la longue blouse enfarinée ! Autour de nous, pas un seul objet qui ne s’agitât convulsivement ou ne vibrât sous la pression de la cascade invisible qui grondait à nos pieds et dont nous discernions çà et là par les interstices la fuyante écume. Les murs, le plancher, le plafond, tremblaient incessamment des puissantes secousses de la force cachée : pour que notre regard échappât un seul instant à la vue de ce frémissement universel, il nous fallait fixer les yeux avec effort sur l’azur et les nuées blanchâtres de l’espace qui se montraient à travers une lucarne. Dans un coin sombre du moulin, l’arbre moteur tournait, tournait sans relâche comme le génie du lieu ; des roues dentées, des courroies tendues d’un bout de la salle à l’autre transmettaient le mouvement aux meules grinçantes, aux tré-