Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/271

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ruisseau, naguère indompté. Cette eau, qui, jadis, n’accomplissait d’autre travail que de renverser des berges et d’en créer de nouvelles, d’approfondir certaines parties de son lit et d’en élever d’autres, est devenue maintenant l’auxiliaire direct de l’homme pour tisser des étoffes ou pour broyer du grain. Guidé par l’ingénieur, le mouvement brutal de l’eau a pris la direction qu’on lui traçait : il s’est distribué dans les pinces les plus fines, dans les pinceaux les plus ténus, aussi bien que dans les engrenages les plus puissants de l’énorme machine ; il brise et triture tout ce que l’on met sous le marteau-pilon, étire les barres de métal qui s’engagent sous le laminoir ; mais il sait aussi choisir et mêler les fils presque imperceptibles, marier les couleurs, velouter les étoffes comme d’un léger duvet, accomplir à la fois les travaux les plus divers, ceux que ne pouvait même rêver un Hercule et ceux qui défieraient les doigts habiles d’une Arachné. En donnant sa force à la machine, le ruisseau