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Page:Reclus - Histoire d’un ruisseau.djvu/280

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mal frayés, obstrués d’herbes et de broussailles ; aussi le sauvage utilisait-il la nappe du ruisseau pour en descendre ou remonter le cours navigable sur le tronc d’arbres creusé qui lui servait d’embarcation.

De nos jours, grâce aux routes, aux chemins, aux sentiers qui traversent la campagne dans tous les sens, la navigation sérieuse a presque entièrement cessé sur le ruisseau ; on n’y vogue plus que par plaisir de ramer et de se sentir balancer doucement par l’onde ridée. C’est là pour l’homme une récréation physique des plus douces qu’il se puisse donner : à peine est-il possible de faire un rêve de bonheur sans s’imaginer aussitôt qu’on flotte avec des être aimés dans une barque dont la rame plonge à temps égaux dans le courant. Même quand on est seul, c’est une volupté réelle de pouvoir animer par son bras un de ces bateaux effilés qui fendent le flot comme des poissons. On se déplace à son gré : tantôt on est près de la cascade, tantôt sur le bassin tranquille ;