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l’homme et la terre. — peuples attardés

naturelles très appréciées d’où l’on surveillait et dominait l’espace à la façon des aigles.

Dans les pays accidentés où des traits brusques, parois de montagnes, ravins profonds, larges fleuves, rivages de la mer, limitent les petites sociétés primitives, les distances qui séparent les divers foyers d’activité humaine sont très inégales. Il en est autrement dans les contrées qui présentent un caractère uniforme sur de vastes étendues, par le sol, le relief et le climat : là les villages ou campements des tribus parsèment l’espace à intervalles réguliers, à une journée de marche dans les pays à population rare, à une demi-journée ou par moindres fractions en des régions plus populeuses ; un véritable rythme réglé par le pas de l’homme préside à la distribution des groupes humains. A l’examen des cartes détaillées, on remarque facilement le contraste que présentent les lieux d’habitation à espace normal et ceux auxquels les modifications du milieu ont imposé un désordre apparent. Longtemps le parcours habituel d’un marcheur, avec ses repos nécessaires pour la nourriture et le sommeil, fut la seule mesure de distance qui marquât sur le sol les lieux d’étapes et de croisement : mais la domestication des animaux de course permit à l’homme d’allonger son parcours en une journée de voyage, et par suite les lieux de séjour qui se succèdent sur les voies historiques alternèrent par ordre d’importance, suivant les voyageurs qui s’y arrêtent, simples piétons ou bien piétons et cavaliers.

Evidemment d’autres montures de course que le cheval : ainsi le chameau dans l’Asie centrale et les régions méditerranéennes, l’éléphant dans les Indes orientales, le bœuf dans l’Afrique du Sud, durent légèrement modifier, suivant la vitesse de leur marche, les distances normales entre les points d’arrêt et par suite entre les groupes de demeures humaines. Les étapes sont relativement courtes dans les pays où les animaux servent surtout au transport des marchandises, leur pas étant alors beaucoup plus lent que sous le poids de l’homme impatient, éperon né.

D’autres distances entre les groupes d’habitations, hameaux, villages ou cités, sont déterminées d’avance par la nature du relief, du littoral, du climat, des flores, de la faune ou autres conditions du milieu, le long des chemins naturels ou graduellement tracés par les pas de l’homme. Ainsi, pour les peuples bergers, le va-et-vient