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religiosité chez les animaux

N’a-t-on pas également observé chez des animaux une inexplicable passion pour tel ou tel objet qui ne leur est pourtant d’aucune utilité pratique ? Ils y voient comme une sorte d’amulette, comme un fétiche, analogue à ceux dont se servent les nègres. Enfin, l’affection profonde, victorieuse de tous les déboires, résistant à toutes les épreuves, que tel animal voue à l’homme, son ami, n’entraîne-t-elle pas un véritable culte
les évangélistes saint luc et saint marc
et leurs animaux emblématiques

Sculpture du portail de l’église de St-Gilles (Vaucluse)
(xiiie siècle)
religieux exactement de même nature que celui dont nous brûlons pour ceux que divinise notre amour ?

Au fond, toutes les religions, celles de l’animal aussi bien que celles de l’homme, tous les cultes, si différents qu’ils apparaissent, si hostiles qu’ils puissent être l’un à l’égard de l’autre, ont des origines analogues et se développent suivant une marche parallèle. Chaque être humain, entraîné dans le tourbillon général de la vie et désireux néanmoins de sauvegarder, de développer sa force individuelle, cherche un soutien dans le monde extérieur pour se rassurer quand les craintes l’assaillent, écarter les dangers qui le menacent, réaliser les vœux qui le travaillent.

Que la frayeur soit le sentiment initial, comme le disent les livres sacrés et classiques, — « la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse » — ou que ce soit, d’une façon plus large, le