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sacrifices humains

tants de tout le « pays de promission », et dans les rares circonstances où, par un mouvement de pitié instinctive ou par suite d’une promesse faite inconsidérément, ils durent épargner quelques-uns des indigènes,

D’après une photographie.

autel chrétien de l’église de camplong (hérault)
ils s’en accusèrent comme d’un crime. Si l’on peut remonter jusqu’aux origines des sociétés pour y surprendre cette idée du sang offert en sacrifice aux génies, on en constate d’autre part la survivance jusqu’à nos jours, puisqu’après les batailles les vainqueurs vont chanter leurs Te Deum au dieu des armées.

Il n’est pas d’ancienne forme de religion qui, sous l’action des mêmes causes, n’ait persisté plus ou moins dans nos civilisations : telle le culte des têtes coupées qui prévalut chez tant de tribus préhistoriques et qui se retrouve chez certains Dayak de Bornéo. Le sauvage qui limite à son propre clan la partie de l’humanité


envers laquelle il a des devoirs moraux se croit tenu, en stricte vertu, d’aller couper des têtes dans les tribus étrangères pour les rapporter à la femme qu’il a choisie ou bien à la tribu qu’il représente. Sans meurtre dont il puisse se glorifier, il n’est pas même considéré comme un homme : verser le sang humain est le premier devoir d’un candidat à la virilité. Et l’éducation qu’a reçue cet enfant de la forêt, pourtant très bon et très noble avec ses camarades de tribu, n’est-elle pas précisément celle de nos jeunes contemporains auxquels on enseigne qu’il est glorieux de tuer un ennemi ou même un nègre ou un jaune