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l’homme et la terre. — potamie

voie majeure des nations qui longe la base du diaphragme asiatique pour se bifurquer sur le plateau d’Iran, d’un côté vers l’Azerbeïdjan, de l’autre vers Hamadan et le pied de l’Elvend. Le premier passage permet de descendre à travers le pays des Kurdes pour gagner la plaine au confluent du grand Zab et du Tigre ; le deuxième, de beaucoup le plus fameux dans l’histoire, passant par Bisutun et le col du Zagros, atteint le cœur même de la Mésopotamie dans sa partie la plus fertile et la plus populeuse. Puis, plus au sud, s’ouvrent d’autres portes, beaucoup moins pratiquées, celles qui descendent de la Perse proprement dite vers la Kerkha, le Karun et le district où les fleuves jumeaux s’unissent en un même courant.

Au nord-ouest du cirque, deux voies majeures, suivies par les nations, font communiquer la Mésopotamie avec l’Asie Mineure et, médiatement, avec tout le monde européen. Franchissant le seuil des montagnes bordières, l’une aboutit à la grande plaine, jadis lacustre, où le Tokma-su vient rejoindre l’Euphrate : c’est la principale étape médiane entre Bagdad et Constantinople ; l’autre est la route qui, traversant l’Euphrate à son coude le plus occidental, pointe dans la direction de la brèche du Taurus connue spécialement du nom de « Porte Cilicienne ».

Enfin, les hauteurs du littoral méditerranéen, sur toute la côte de Palestine et de Syrie, qui d’ailleurs ne présentent nulle part de saillies infranchissables, sont coupées de distance en distance par des cols ouverts sur des escales rattachant tout le rivage de la mer au bassin des fleuves jumeaux, le Tigre et l’Euphrate. Ainsi le grand amphithéâtre d’entre Liban, Taurus et Zagros pouvait être visité facilement, et le fut en effet, par des gens de tout climat, de toute race, de toute langue, de toute civilisation. Une seule mer, la longue manche dans laquelle se déversent les deux fleuves réunis, baigne directement les plages du cirque de Mésopotamie, mais à distance d’autres mers avoisinent cette région, apportant aussi leur tribut de marchandises, de voyageurs et d’idées. À ce point de vue, nous avons déjà constaté que l’Asie antérieure, à l’ouest de la Perse, occupe une position géographique sans égale.

Cependant la plaine euphratique se divise en deux parties bien distinctes, l’une qui fut vivante et bien vivante, la Mésopotamie proprement dite, et l’autre que l’on peut qualifier de morte, parce qu’elle est