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journal de la commune

« On vit alors ce qui se cachait derrière ces canons et ces barricades.

« On se trouvait en face d’une vaste conspiration, élaborée de longue main, à la faveur de six mois de guerre qui lui avaient permis d’accumuler toutes les ressources et tous les engins en apprenant l’art de les manier. Préparée et mûrie dans les moindres détails, elle dépassait par ses proportions tout ce qu’on avait encore vu dans l’histoire.

« L’insurrection, qui n’attendait qu’une attaque pour se découvrir, descendit des hauteurs de Montmartre comme un torrent, déborda en tous sens, et finit par inonder la cité entière, à l’exception de quelques îlots, le Ier, le IIe et le IXe arrondissement. Ce n’était pas une émeute parisienne ; c’était toute l’armée de la révolution cosmopolite qui avait pris pied à Paris et qui s’y était retranchée pour étendre de là la main sur la France entière. L’Internationale, le mazzinisme, le fenianisme s’y étaient donné rendez-vous. Il y avait dans cette immense tourbe militaire des Allemands, des Polonais, des Américains, des Italiens. Ces derniers, qui trouvent tout naturel que Rome soit aux Romains, contestent Paris à la France.

« Le Gouvernement, que des stipulations de traité de paix avaient réduit pour la défense de la société à une force absolument insuffisante, se trouvait à peu près désarmé. Il pensa que, ne pouvant garder Paris dans sa main, il devait à tout prix préserver la France. Dût-il même y avoir conflit, il évitait ainsi à la capitale les horreurs et les dangers d’une guerre des rues.

« La translation à Versailles fut l’effet d’une sage tactique que l’événement a justifiée.

« Elle marquera dans l’avenir la fin du despotisme jacobin qui, mieux armé que jamais pour tout saisir, est mis ainsi dans l’impuissance de rien atteindre.

« Tandis que dans le palais sur le fronton duquel on lit : « À toutes les gloires de la France », l’administration de la France s’occupe avec sa régularité habituelle et que l’Assemblée, dernier asile de notre nationalité française, jouit pour ses séances d’une parfaite sécularité, l’insurrection, assiégée dans Paris, privée des postes et des télégraphes, se meurt dans son triomphe. Séparée du reste du monde, elle épuise dans un cercle de fer sa rage impuissante.