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Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/138

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journal de la commune

Et cela se fait lestement, cela se fait tous les jours : « on refait ainsi le moral de la troupe » ; mais quand il s’agissait seulement de déserteurs aux Prussiens, MM. Favre, Simon et Trochu, dans le premier siège, étaient d’une mansuétude, d’une débonnaireté presque scandaleuse.

On lit dans un journal du matin :

« Un de nos amis qui habite les environs du Petit-Bicêtre nous affirme qu’il ne se passe pas de jour sans que l’on fusille quelques malheureux lignards pris parmi les fédérés. On sait que les fantassins et même les cavaliers ont l’habitude de faire graver à l’aiguille et à la poudre sur leur avant-bras le numéro de leur régiment et de leur compagnie, sans préjudice de deux cœurs enflammés et percés d’une flèche. La première chose que font les gendarmes c’est de saisir les prisonniers revêtus de l’habit militaire — c’était peut-être des fédérés qu’on avait ainsi équipés — le cas est fréquent — , n’importe ! on n’y regarde pas de si près, on les fusille tout de suite ; la seconde, c’est de déshabiller les autres. Ceux qu’on trouve tatoués ont peut-être cessé depuis un an et un jour d’être militaire. N’importe ! fusillés aussi ! »

La Liberté de Versailles et le Paris-Journal racontent :

« Parmi les prisonniers faits à Clamart et à Issy se trouvaient seize soldats de ligne qui ont été immédiatement fusillés. Les lignards que l’on voit ramener dans Versailles sont ceux sur l’identité desquels il y a doute. Mais dès qu’il est prouvé qu’ils ont effectivement appartenu à l’armée, ils ont le sort des traîtres.

« Comment, objectera peut-être un honnête homme, comment un capitaine de gendarmerie, un colonel ou même un général, aurait il ainsi le droit de fusiller des prisonniers, séance tenante, sans procédure judiciaire ? » Cela se passe ainsi ; il n’y a pas d’explication qui vaille celle-là. D’ailleurs il a été pourvu par le grand justicier de France, M. Dufaure, Garde des Sceaux, à ce que ces meurtres soient licites, à ce que ces assassinats soient juridiques. Le lendemain de l’égorgement de Flourens et de Duval, l’honorable M. Dufaure proposa d’urgence l’abréviation, (comme qui dirait l’abrogation) des formalités devant les conseils de guerre.

« L’insurrection, Messieurs, qui désole la capitale, ne