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Page:Reclus - La Commune de Paris au jour le jour.djvu/17

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journal de la commune

les postes disséminés dans la ville ; à coups de crosse, ils frappent contre les portes et fenêtres, contre les devantures des magasins ; ils font sonner le tocsin ; çà et là la générale sourd sur un point, puis elle éclate sur plusieurs autres, elle se multiplie : à ses clameurs toujours plus retentissantes, le monde est bientôt sur pied : « Quoi ? Qu’y a-t-il ? Un incendie ? Les Prussiens ? — Oui, c’est l’incendie, ce sont les Prussiens, c’est la République qu’on égorge ! »

Déjà Vinoy avait télégraphié victoire à Thiers. Ses colonels et généraux étendaient leurs lignes autour des positions conquises, faisaient descendre canons après canons, qu’on installait au débouché des principales rues sur le boulevard extérieur, des patrouilles à pied et à cheval défilaient de poste à poste.

Le matin était venu. Alors on vit surgir des multitudes armées et non armées, comme des fourmilières de dessous terre : elles noient les patrouilles, elles entourent les postes des soldats qui ne peuvent plus bouger, empêtrés dans la masse : « Comment soldats, nos frères, fils du peuple, vous nous massacreriez sur l’ordre de vos infâmes généraux ? Comment, vous nous fusilleriez après que les Prussiens nous ont bombardés ? » Partout les soldats répondent en levant la crosse en l’air, on s’embrasse, on fraternise, on jubile. Furieux, un lieutenant arrache un fusil à l’un de ses soldats : « Lâches et traîtres, tirez ! » crie-t-il, et fait feu dans le tas. Aussitôt il tombe lui-même, percé de balles. Le général Lecomte veut lui aussi relever le moral de ses troupes : il commande une décharge sur la foule, mais ses soldats le renversent à coups de crosse, il est livré à des gardes nationaux qui l’emmènent prisonnier. Un officier d’État-major crie : « Chargez-moi cette canaille ! » et il lance son cheval contre les groupes, mais la pauvre bête, assaillie par des coups de baïonnette, tombe pour ne plus se relever, et tandis que son cavalier disparaissait elle était coupée en cent morceaux, qu’emportaient des ménagères. Le général Patures fut blessé, le général Clément Thomas, l’ex-commandant des gardes nationales de Paris, l’alter-ego de Trochu, le confident de Vinoy, le complaisant de Thiers, déguisé en civil, allait de groupe en groupe d’un air soucieux et affairé. Clément Thomas avait été, jadis, un des héros de la bataille de juin — du côté de l’ordre, bien