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journal de la commune

intraitable, d’une personnalité fière et hautaine. Ceux auxquels il a exposé ses plans stratégiques lui croient du génie, mais ceux-là mêmes redoutent que son génie déborde promptement dans quelque sombre et irrémédiable folie, dans quelque horrible extravagance : il ne donne pas de garantie morale, voilà son grand tort ; on aimerait à le croire honnête, mais on n’oserait pas assurer qu’il ne soit plus ambitieux que républicain : on n’est pas sûr qu’il distingue l’honneur de l’orgueil et l’ambition du crime.

Mais ne rééditons pas nous-mêmes les soupçons et les défiances contre lesquels nous protestons. Rossel est certainement excusable, en tant que militaire, de n’avoir pu mieux faire avec les éléments confus que l’on mettait à sa disposition. Sa lettre est à cet égard d’une éloquence navrante ; mais le tort de Rossel est de n’avoir pas fait entrer cette confusion dans ses calculs, son tort est de n’avoir pas su transformer ces éléments. C’est son tort, s’il a la prétention d’être un grand homme, mais s’il ne prétend être qu’un militaire un peu plus militaire que les autres, il n’y a plus rien à lui reprocher.

On a donné au citoyen Allix, membre de la Commune, la cellule à Mazas que Rossel avait d’abord réclamée. Ce pauvre Allix n’a commis aucun crime, il ne s’est rendu coupable d’aucune trahison, mais ses collègues ont acquis la conviction que l’inventeur du système de télégraphie transocéanique par l’emploi d’escargots sympathiques serait mieux à sa place à Charenton, dans l’établissement d’aliénés, qu’à la salle du Conseil à l’Hôtel de Ville. De tous les décrets de la Commune, c’est peut-être le seul qui n’ait soulevé aucune récrimination ; les applaudissements — ironiques hélas ! — ne lui ont même pas fait défaut. Pauvre suffrage universel, que de sottises, que de balourdises !

Par qui remplacer Rossel ?

Les aptitudes militaires ne s’improvisent pas, la Commune en fait la triste expérience. Elle avait espéré voir surgir de jeunes généraux, de nouveaux Hoche et Marceau, mais il faut plus de six semaines pour l’éclosion d’un tacticien ; il faut un homme au-dessus de l’ordinaire pour en imposer à cette multitude de volontés rivales et désordonnées.

La Commune ne sachant plus à quel soldat se vouer, a