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l’âme fixée par le nom.

rangent à renaltre dans la famille. À la moisson ou autres travaux urgents, la mère s’attache le nourrisson au dos et le trimballe, ajoutant cette fatigue à celle de la faucille. Mais a-t-elle vraiment la simplicité de croire ce qu’enseignent les théologiens et astrologues de l’endroit ? Que le Dieu Soleil, ayant constaté les funestes effets produits par la passion sexuelle, ordonna de limiter le nombre des femmes ? Que les laisser vivre toutes, rendrait impossibles la paix et l’ordre social ? Que moralement et intellectuellement, elles sont inférieures aux seigneurs et maîtres, qu’elles savent pourtant si bien manier ? Que par la femme, plus sujette au mal, le péché entra dans le monde ?

Les âmes des morts reviennent, dit-on, dans leurs familles, où elles renaissent de génération en génération. Mais la réception d’une âme n’est pas définitive avant la « nomination » qui a lieu sept jours après la naissance. Si l’enfant reçoit le nom de Paul plutôt que celui de Pierre, l’ancêtre Paul renouvellera son bail à l’existence, et Pierre patientera encore. S’il s’agit d’une fillette et qu’elle soit mise à mort dans la première semaine, l’âme comprendra, sans qu’il soit besoin d’insister davantage, que la famille ne veut plus de sa personne ; Elle ira se caser ailleurs, se faire adopter par une autre peuplade. Ainsi diminuera le stock d’âmes féminines au profit de l’élément masculin. En vertu de ce raisonnement, quelques Chinois de Hekka et de Canton tuaient les filles sitôt nées, ou même leur coupaient nez et oreilles, les écorchaient, dit-on, pour les dissuader de renaître dans le sexe inférieur. Des enragés s’en prenaient encore aux mères qu’ils accusaient de complicité avec la misérable créature[1].

  1. China Review.