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Page:Reclus - Les Primitifs.djvu/36

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les inoïts orientaux.

est à l’Esquimau ce que le renne est au Lapon et au Samoyède, le chameau au Touareg, le cheval au Bédouin et au Tartare : le grand moyen de locomotion, l’inséparable compagnon, et, en désespoir de cause, le dernier aliment.

Toute une bande de chiens est attachée au traîneau. On n’aurait jamais fouet assez long pour atteindre ceux de volée. Que fait-on s’il faut aller vite ? Le conducteur applique une vigoureuse cinglée au dernier chien, qui, méchant et hargneux, — c’est son métier d’esclave, — ne veut pas qu’il en cuise à lui seul. Ne pouvant se retourner pour mordre, par un coup de dent il se venge dans la chair la plus proche ; d’arrière-train en arrière-train, en un rien de temps, tous ont été mordus, et le traîneau file rapidement par la neige, au milieu des protestations, grognements et hurlements. Quoi de plus humain ! Et le « char de l’État », comment avance-t-il ?

Le soir venu, on attache le roi de chaque meute près de son traîneau ; sujets et sujettes l’entourent, se couchent à ses pieds. Cette soumission, résultat de la fatigue et de l’épuisement, n’est qu’intermittente. Les monarques de la gent cynique ont fort à faire pour gouverner leurs vassaux ; les femelles surtout sont d’humeur vagabonde. Les mâles tirent sur la corde, grognent, froncent les babines, impatients de l’heure où ils pourront se mesurer avec leurs rivaux. Chacun gagne son rang de haute lutte. Une longue suite de combats établit la suprématie du plus robuste et du plus hardi ; encore cette autorité n’est-elle pas longtemps respectée. D’un jour à l’autre éclatera une révolution fomentée par quelque ambitieux, qui s’aperçoit que les forces du maître diminuent par l’âge ou par toute autre cause. Ces chiens aiment le tumulte ; la bataille est l’idéal de leur existence. Pour la discipline à