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LE CHARIOT DE TERRE CUITE.

recroître : elle est très honorable pour vous et de bon augure.

Chârudatta. — Ce n’est pas, crois-moi, la perte de mes biens qui me rend malheureux :

« Ma peine vient de ce que les hôtes évitent ma maison appauvrie, comme les abeilles vagabondes s’éloignent de la joue de l’éléphant quand la saison du rut est finie et que les traces épaisses de la liqueur qui la couvrait alors se sont desséchées. »

Maitreya. — Ah les fils d’esclaves ! Ils font un déjeuner de votre bien et ils imitent ensuite les petits bouviers qui ont peur des guêpes et vont de place en place pour éviter leurs piqûres (10).

Chârudatta. — « Crois-moi, mon ami, mon tourment n’est pas causé par la perte de ma fortune, car les richesses vont et viennent au gré du sort, mais j’éprouve du chagrin de voir que les liens de l’amitié se relâchent quand les ressources dont on disposait sont épuisées. Du reste, la pauvreté rend timide ; l’homme livré à la timidité perd son énergie ; quand on manque d’énergie on se voit méprisé ; le mépris dont on est l’objet jette dans le découragement et le découragement dans le désespoir (11) ; une fois en proie au chagrin, l’intelligence s’altère et l’affaiblissement de l’intelligence entraîne la perte totale. La pau-