Page:Regnaud - Le Rig-Véda et les origines de la mythologie indo-européenne.djvu/19

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J’arrive par là au procédé d’investigation que je voudrais ajouter à ceux dont on s’est servi jusqu’ici pour aboutir à élucider complètement les hymnes. Ceux de vous qui ont eu l’occasion de prendre connaissance, soit des articles que j’ai consacrés dans la Revue de linguistique, la Revue philosophique et la Revue de l’histoire des religions, à l’évolution du sens des mots dans les langues indo-européennes, et plus spécialement à l’explication de certaines expressions védiques, soit des considérations plus générales sur les principes de la sémantique que j’ai présentées dans mon livre sur l’Origine et la philosophie du langage, se rendront facilement compte de ce que j’entends. Je résumerai d’ailleurs mes idées sur la question de la manière suivante. Les textes védiques, du moins considérés dans leurs éléments, sont très primitifs ; toutes les explications qui en ont été données dans l’Inde même par tes brahmanes sont fondées, soit sur des idées différentes de celles qui ont présidé à leur production, soit sur un état significatif de la langue sanscrite fort distant des conditions analogues de l’idiome du Rig-Véda. En Occident, le secours apporté par les méthodes supérieures de la science moderne n’a pas empêché les incertitudes et les erreurs dont cet écart a été, en beaucoup de cas, la cause inévitable. Or, le seul remède à un mal qui consiste en dernière analyse à ignorer la valeur essentielle et première de certains mots, est de remonter la filière des sens en partant des acceptions fixées par l’usage postérieur de la langue pour atteindre celle qu’on peut assigner aux vocables soumis à cette recherche en se fondant sur les règles bien constatées de la sémantique. Ce n’est plus, comme on le voit, procéder par voie de simple comparaison entre les nuances significatives d’un même mot au sein des différentes phrases où il se trouve employé, méthode habituelle et la seule à suivre quand il s’agit d’un état du langage dont on connaît les antécédents et la suite. Tel n’est pas le cas pour la langue védique, qui nous apparaît comme un commencement, et qu’une large solution de continuité sépare du sanscrit proprement dit. Ici, la détermination significative ne peut souvent s’effectuer que par un passage du connu à l’inconnu dont je crois avoir indiqué l’unique moyen.