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Notre interview de Santos-Dumont

l’air, qui devait être pour l’homme, lorsqu’elle serait réalisée, la cause de joies nouvelles provoquées par la sensation victorieuse d’agir volontairement, de se mouvoir à son caprice, à sa volonté, en plein espace libre. Le ballon sphérique, dont je fus un adepte pratiquant, ne procure pas cette sensation, cette griserie victorieuse. Quand on s’éleve dans un sphérique, on n’a pas cette sensation d’action cette impression de mouvement. C’est la terre qui semble s’éloigner ; l’aéronaute n’a pas l’impression qu’il s’éleve. Il reste comme sur place ».

Santos-Dumont essayant son hydroplane muni de flotteurs, 1907.

Santos-Dumont s’arrêta un instant, et reprend :

« Je dois faire ici une confession, non que je veuille priver qui ce soit de l’honneur de ce qu’il a pu entreprendre, ni exagérer ce que j’ai pu faire, ou que j’ai eu le bonheur de faire, mais par simple hommage à la vérité.

« Je ne connaissais rien, lorsque j’ai commencé mes recherches et mes essais, de ce qui avait pu être fait avant moi, ou de ce qui était fait par d’autres en même temps que par moi. Je sais parfaitement bien qu’un inventeur a grandes chances de réussir, lorsqu’il arrive au moment même où les temps prédits doivent s’accomplir. Je sais que ses efforts sont souvent le résultat de tous les autres ; et qu’il peut, tout à coup, ce que d’autres, qui auraient cependant mieux réussi que lui, n’ont pu réaliser parce qu’ils sont venus trop tôt, et, aussi et souvent, trop tard. J’ai eu la fortune inouïe d’arriver au moment où les moyens de réaliser mon rêve et mes conceptions se trouvaient à ma dispositions.

« Je suis arrivé en temps voulu, au bon moment ; là fut ma veine glorieuse, et moi, qui avais cru aux rêves merveilleux du romancier, je me suis purement et simplement contenté de réaliser ce qu’il avait, dans une magnifique conception géniale, imaginé, prévu.

Essai de vol sur la Seine : expérience de Santos-Dumont, à bord de son hydroplane no 18, septembre 1907.
LES PREMIERS ESSAIS

– De quelle époque datent exactement vos premiers efforts ?

– La possibilité de conquérir l’air m’apparut certaine en 1892-93, au cours d’une visite que je fis au Salon du Cycle, installé alors dans le Palais de l’Industrie, où, pour la première fois, on exposait des moteurs automobiles : ils étaient très lourds, du poids de