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Notre interview de Santos-Dumont
Les grandes étapes d’une carrière : 1o Santos-Dumont, à bord d’un de ses appareils, effectue son premier voyage aérien, de Saint-Cyr à Buc, 17 septembre 1909. (Cliché Branger.)

tion d’industrialiser mes recherches providentiellement heureuses. Le moteur automobile s’était, en quelques années, si perfectionné, qu’il apparut alors que l’homme pouvait enfin tenter de rivaliser avec l’oiseau, et, lâchant le plus léger que l’air, je me mis en toute hâte à travailler le plus lourd. Je dois ici affirmer également que je n’ai rien pris à d’autres. Sans doute, j’avais entendu parler des Wright, mais j’ignorais leurs travaux, les résultats atteints par eux quand, en 1905, je me mis à l’aéroplane.

« En abordant l’aviation, je continuai de procéder par empirisme. Et, sans vouloir en quoi que ce soit diminuer ce que d’autres ont fait, et alors beaucoup mieux que moi, je ne puis être accusé de les avoir copiés. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer mes appareils d’alors avec ceux qu’ils utilisaient à cette époque.

LA PREMIÈRE « DEMOISELLE »

Est-il nécessaire de rappeler mes premiers et timides essais avec le « canard » aux ailes cellulaires en V ? Ceux qui ont été les témoins de ces premières tentatives, au cours desquelles je réussis à quitter le sol sur 7 mètres, puis sur 13 mètres, 60 mètres, 160 mètres et 220 mètres, enfin, ont connu des émotions et des joies disproportionnées avec les résultats acquis ; mais là encore j’ai eu l’aubaine prodigieuse d’être le champion de leurs espérances. Voilà la vérité ! J’étais entré en scène au jour qu’il fallait. Mes premiers essais d’aéroplane eurent lieu à Bagatelle. Après mon vol, mon bond de 220 mètres, j’ai transporté mon champ d’action à Issy-les-Moulineaux, plus vaste et désert.

Les grandes étapes d’une carrière : 2o Le dernier vol ; atterrissage de l'avion de Santos-Dumont près de Dampierre. (Cliché Branger.)

C’est alors que, renonçant à l’appareil gigantesque de mes premières recherches, j’entrepris la construction du monoplan « la Demoiselle », qui renouvelait le premier monoplan conçu, construit et expérimenté par Ader.

« Je rencontrai, dans ma réalisation, de grosses difficultés ; elles me venaient du moteur. J’ai toujours été partisan — et je le suis plus que jamais — d’un appareil léger, disposant d’une assez grande source d’énergie afin de pouvoir voler facilement et se défendre utilement dans l’air d’abord et à l’atterrissage ensuite.

« Les moteurs d’alors, si perfectionnés qu’ils fussent, étaient encore trop lourds, [illisible]. C’est à ce moment que j’ai