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DIDEROT.


nons du raisonnement qui ont conduit Diderot à ce théâtre nouveau, drame bourgeois, tragédie domestique ou comédie sérieuse, qui jette au rebut les grands socques et les hauts cothurnes ; mais l’œuvre même était évidemment nécessaire et elle a été utile et juste autant que bonne. Alors même que vous resterez de cœur dans le pur et noble Parthénon de la tragédie comme dans le sanctuaire même de l’art parfait, vous ne nierez point d’abord que ce genre nouveau soit, lui aussi, un art, puisqu’il appelle à la vie de la rampe des émotions et des sensations qui nous touchent de plus près. Vous regrettez l’harmonieuse beauté de ce théâtre architectural où l’on entre comme dans un temple, où les passions les plus violentes, sous le rayon qui les enveloppe, paraissent des vertus, où les personnages ont la noblesse des statues et s’expriment en musique. Mais la copie, même des chefs-d’œuvre, n’est qu’une industrie, ce n’est point un art. Dès lors, à moins de se résigner au silence, il fallait bien chercher à gagner du côté de la vérité ce qu’il n’y avait plus à poursuivre dans le champ de la beauté classique. Cette race d’Agamemnon, qui ne devait jamais s’éteindre, avait fini cependant ; non seulement la moisson était faite, mais les dernières glanes étaient encore ramassées, après quoi il ne restait plus que la terre nue. Il fallait donc querir de nouvelles semailles : où les trouver, à défaut du grenier gréco-romain désormais épuisé, sinon dans l’inépuisable réserve de la vie humaine ? Les