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DIDEROT.


l’éléphant, sur quoi s’appuiera-t-il ? sur une tortue ; et la tortue, qui la soutiendra ?… Cet Indien vous fait pitié ; et l’on pourrait vous dire comme à lui : Monsieur Holmes, mon ami, confessez d’abord votre ignorance, et faites-moi grâce de l’éléphant et de la tortue…

Voici donc le caractère particulier de l’athéisme de Diderot : il déclare Dieu inutile, il n’en a pas besoin pour expliquer ce qu’il y a d’explicable scientifiquement dans le monde, et pour ce qui est de l’inexplicable, cette vieille hypothèse ne fait que l’obscurcir. « L’éternité du monde, écrit-il encore, n’est pas plus incommode que l’éternité d’un esprit ; parce que je ne conçois pas comment le mouvement a pu engendrer cet univers qu’il a si bien la vertu de conserver, il est ridicule de lever cette difficulté par la supposition d’un être que je ne conçois pas davantage. » Une fois cette idée ancrée dans son cerveau, il y revient sans cesse et toujours avec une nouvelle abondance d’arguments. Nécessairement, plus il se pénètre de son thème, plus il s’exalte dans d’innombrables variations. Après avoir fait de la croyance en l’existence de Dieu une fâcheuse et gênante superfluité, il y dénonce la cause de tous les maux qui affligent l’humanité : « Partout où l’on admet un Dieu, écrit-il à Mlle Volland, l’ordre naturel des devoirs moraux est renversé, la morale corrompue. » Il se demande et il demande à la Tsarine « ce que cette souche abandonnée à sa libre disposition peut produire de monstrueux ». Nier gravement ne lui suffit plus, il