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DIDEROT.


rejette que quand elle est épuisée de sucs ; voilà une plante presque Carnivore » — expérience confirmée par Darwin. — Donc, point de frontière entre le règne animal et le règne végétal ; ils se confondent ; la diversité des formes n’interrompt pas la chaîne des êtres, mais la nature ne laisse subsister que ceux qui peuvent « coexister avec l’ordre général « — c’est la loi de la sélection et de la concurrence vitale ; — « le monde est la maison du fort ».

Il eût été curieux de voir Diderot pousser vers la zoologie politique et sociale la hardiesse novatrice de ses investigations ; il eût porté certainement à l’étude de la monarchie la même puissance et la même originalité de critique ; là aussi, il eût été révolutionnaire. C’est peut-être même parce qu’il l’eût été avec une audace intolérable qu’il s’est contenté d’une attaque indirecte, au théâtre en réhabilitant les douleurs bourgeoises, dans l’Encyclopédie par ses monographies professionnelles, un peu partout par des déclamations vagues contre les tyrans. De l’homme qui à cette question : « Comment rend-on les mœurs à un peuple corrompu ? » répondait : « Comme Médée rendit la jeunesse à son père, en le dépeçant et le faisant bouillir… », on peut dire que son esprit avait passé dans Danton ; et le duel de Danton contre Robespierre n’est-il pas, sur le terrain des faits, la suite même de la lutte de Diderot contre Rousseau ?

Il est cependant une question à la fois politique et sociale au premier chef, qui a fixé longuement ses