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L’ENCYCLOPÉDIE.


plus dure encore et non moins ingrate, ne se salissait pas à descendre jusqu’à lui. Cependant cette époque n’est pas si loin de nous et l’on a pu fixer la date où, pour la première fois, entre le Prospectus de l’Encyclopédie et l’article de Quesnay sur les fermiers, entre 1750 et 1760, les philosophes entreprirent de découvrir les classes ouvrières, de faire connaître le travail sans lequel la civilisation ne serait qu’un rêve, et de préparer ainsi, révolution à la fois intellectuelle, politique et sociale, l’avènement du tiers état à la liberté et au pouvoir. Et, certes, ni Diderot d’abord, ni Quesnay ou Turgot après lui, ne pouvaient soupçonner ni la force du mouvement qu’ils provoquaient, ni quelles en seraient les conséquences, que, peut-être même, ils n’auraient pas toutes souhaitées. Est-ce qu’aujourd’hui même nous connaissons tout ce qu’il y a de force dans l’évolution qui, après avoir fait de l’industrie la reine du monde, porte l’ouvrier vers la souveraineté ? Qui peut prévoir par quels anneaux se continuera la chaîne invincible des effets et des causes ? À quelque horizon restreint que vous borniez la vision prophétique de Diderot, il n’en reste pas moins qu’il a, le premier, deviné et salué le monde moderne.

Évidemment, quand il demandait aux arts libéraux, « qui s’étaient assez chantés eux-mêmes », d’employer désormais leur voix à célébrer les arts mécaniques et « à les tirer de l’avilissement où le préjugé les avait tenus si longtemps » ; quand, s’adressant