Page:Revue de Paris, tome 25, 1831.djvu/236

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surance que s’il l’eût quitté la veille, se jeta dans ses bras en l’appelant son ami, son camarade, son cher Numa. À ce nom le Français tressaillit ; il crut se retrouver enfant au collége de Montpellier, et serra contre sa poitrine un ancien compagnon dont la figure et le nom s’étaient presque effacés de sa mémoire, mais dont le caractère enthousiaste et sombre marquait comme un trait ineffaçable dans la vie de ceux qui l’avaient une fois rencontré.


« Vous me voyez bien changé, dit-il à son ami, après ces premières effusions délicieuses pour deux cœurs qui retrouvent l’un dans l’autre le témoignage d’un bonheur perdu ; le chagrin et la maladie m’ont vieilli plus que les années. » Numa l’interroge avec cette réserve délicate qui inspire la confiance sans l’exiger. « Gina ! répondit le Véronais ; et un sourire infernal sillonna sa bouche flétrie. Gina ! c’est toute mon histoire.


— Quelle est donc cette Gina dont le nom trouve ici tant d’échos ? dit le Français.


— Vous ne le savez pas ? dit Valterna avec amertume, c’est la duchesse de R**. »


Numa fit un mouvement de surprise.


« Oui, reprit Valterna, la femme du duc de R**, votre compatriote. N’avez-vous pas entendu dire qu’il s’était marié ici avec une chanteuse ?


— Il est vrai ; je m’en souviens à présent.


— Gina ! pauvre Ginetta ; dit le Véronais ; on a vanté son bonheur, elle fut seule à ne pas y croire. Certes elle pourrait dire tout ce qu’il y a de maux vivans sous l’éclat des richesses.

» Elle était si belle autrefois, jeune fille chantant chaque soir sur le théâtre de Vérone, puisant le bonheur et la vie dans les