Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/381

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même temps que la liberté de penser, ce qu’ils appelaient, sans doute avec quelque exagération de langage, la méthode scientifique. C’est à eux naturellement qu’est revenue plus tard la direction du Collège de France. Ils y ont accompli leur œuvre. Aux éloquentes généralisations de leurs prédécesseurs, ils ont substitué l’observation minutieuse, attentive et empirique des faits. Il reste à voir s’il ne conviendrait pas aujourd’hui de ramener ces faits à leurs principes, de les expliquer par des idées.

On ne peut guère douter que la philosophie ne doive, pour sa part, coopérer à ce progrès, et c’est ce que permettent d’augurer deux mesures prises récemment par le Collège de France : la création d’une chaire d’Histoire des sciences, et la transformation de la chaire de Droit des gens en chaire de Psychologie expérimentale et comparée. Que ces deux mesures aient été inspirées moins par la considération de leur utilité intrinsèque, incontestable cependant, que par l’éminente personnalité des maîtres appelés à en bénéficier, on doit assurément le regretter en principe : mais, étant donné le résultat, nous n’en félicitons que davantage MM. Pierre Laffitte et Ribot. Est-ce à dire que ces chaires aient, d’ores et déjà, reçu leur forme définitive ? Non, sans doute. S’il est vrai que la doctrine philosophique d’Auguste Comte lui ait, dans une certaine mesure, été suggérée par l’examen de l’histoire des sciences, il faut avouer que, trop souvent en retour, la conception générale du positivisme dicte à ses successeurs leur conception de l’histoire des sciences. À créer ainsi, comme ont affecté de le faire et les adversaires et les amis de M. Laffitte, une confusion entre l’histoire proprement dite et un système particulier de philosophie, il y avait plus d’un inconvénient et qui ne devait pas tarder à devenir sensible. M. Pierre Laffitte, qui traite cette année de l’évolution du couple mathématico-astronomique dans la science grecque, regrette peut-être le temps de sa nomination, si bruyante et déjà si lointaine ; il préférerait être, sans doute, plus discuté et plus écouté. Mais le jour où, la chaire d’histoire des sciences cessant d’être une chaire de prédication, ceux qui se passionnent pour ou contre des conclusions, auront fait place aux amis désintéressés de la recherche méthodique et impartiale, un savant érudit, comme celui qui a eu cet hiver l’occasion d’exposer, au Collège de France, la Physique d’Aristote, rappellera avec fruit à ses auditeurs que la vérité se meut, et que l’éternel a une histoire.

Si nous souhaitons que le cours d’histoire des sciences se fasse