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II
note sur les arguments de zénon d'élée


Nous n’éprouvons aucunement la tentation de chercher, après tant d’autres pluus compétents, quelle a été la vraie pensée de Zénon d’Élée quand il a formulé ses fameux arguments relatifs au mouvement. Mais on peut tenir pour acquis que ce ne sont point là de vulgaires sophismes, et que le philosophe grec y a remué des idées profondes sur des questions toujours actuelles. De toutes les dissertations que nous avons lues sur ces arguments, il n’en est peut-être pas qui nous ait autant intéressé que celle de M. Georges Noël, publiée dans le n° 2 de la Revue de Métaphysique et de Morale ; mais, comme, bien loin de nous ranger de son avis, nous sommes convaincu de la contradiction qu’enferme le continu d’après MM. Renouvier et Evellin, comme d’ailleurs nous nous séparons sur un point important de l’éminent auteur d’Infini et Quantité, pris par M. Noël comme représentant des adversaires du continu, on comprendra que nous éprouvions le désir de discuter l’argumentation de celui-ci. Nous admettrons, comme il l’a fait après M. Renouvier, la répartition des arguments de Zénon en deux groupes répondant à la double hypothèse de la continuité et de la discontinuité du mouvement.


I

Le caractère contradictoire du nombre infini commence à être universellement admis ; mais la victoire ainsi remportée par le principe de contradiction menace de rester absolument stérile, car on cherche de tous côtés à réduire à néant les conséquences et les applications du théorème reconnu démontré. Dans le cas présent, comme dans bien d’autres, la distinction, si vraie d’ailleurs, de l’acte et de la puissance paraît être d’un merveilleux secours. Aristote affirmait déjà que la division des continus ne donne qu’un infini en puissance, d’où il concluait à la vanité de l’argument de Zénon fondé sur la dichotomie[1]. Approfondissant ensuite davantage la question, il essaie de montrer comment le mouvement en acte n’opère point une division également en acte : « Quand, dit-il, on divise une ligne continue en deux moitiés, il y a un point qui compte pour deux et qui est employé à la fois comme commencement et comme fin. Or c’est là ce que

  1. Physique, liv. VI, chap. I.