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MŒURS DES AMÉRICAINS.

Mais ce n’est pas assez pour le zèle des prêtres, et la piété des habitans des campagnes, que ces grandes réunions en plein air. Des missionnaires isolés parcourent les fermes et les villages, pour y répandre la parole, et y recueillir l’obole du pauvre. Mistress Trollope nous raconte les détails d’un meeting auquel elle assista chez sa jardinière, pendant son séjour à la campagne. Comme ce sont toujours les mêmes scènes, nous ne traduirons pas son récit ; nous nous contenterons d’en extraire le passage suivant :


« Je m’informai auprès d’un de mes amis, fort au courant de ces sortes de choses, comment ces prédicateurs ambulans étaient payés de leurs peines. Il me répondit que ce n’était point du tout une mauvaise industrie, et que plus d’une bonne femme prenait sur elle de donner à ces apôtres voyageurs, en récompense de leur zèle, un peu plus que la dime de l’argent que son bon homme lui donnait à garder. Ces noirs ministres s’en vont de village en village et de ferme en ferme, montés sur un bon bidet. Ils ne sont pas seulement aussi vides que le vent, ils lui ressemblent encore par le caprice de leurs démarches ; personne ne sait jamais ni d’où ils viennent, ni où ils vont. Lorsqu’ils aperçoivent une maison qui leur promet un bon lit et un bon souper, ils y entrent, et disent à la maîtresse : « Ma sœur, prierai-je avec vous ? » Si la réponse est favorable, et il est rare qu’elle ne le soit pas, notre missionnaire s’installe au logis avec son cheval, et y demeure jusqu’au lendemain après déjeuner. Les meilleurs mets, le meilleur vin, la plus belle chambre, sont pour lui, et il ne part guère sans avoir levé une petite contribution en argent, pour le soutien de l’église crucifiée et souffrante.»


On a vu que les femmes jouaient constamment le principal rôle dans les différentes scènes racontées par mistress Trollope ; voici comment elle explique ce phénomène :


« Je n’ai jamais vu peuple aussi dépourvu d’amusemens que les habitans de Cincinnati. Les billards sont défendus par la loi,