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REVUE DES DEUX MONDES.

si le gouvernement actuel s’aventurait jusqu’à proposer de bâtir et de doter une église dans un de ces villages qui n’ont jamais entendu le son de la cloche natale, il est parfaitement certain que non-seulement l’état souverain au sujet duquel une telle abomination aurait été proposée, s’insurgerait au congrès contre cette odieuse intervention, mais encore que tous les autres états joindraient leurs clameurs à la sienne, et qu’un acte d’accusation serait aussitôt proposé contre l’administration usurpatrice coupable d’une pareille tentative. »

Une autre conséquence de la liberté religieuse, signalée par mistress Trollope, c’est la licence extrême avec laquelle on mêle la religion à toute espèce de conversation ; elle cite comme échantillon de cette licence l’aimable causerie qu’on va lire. La scène se passe à Cincinnati, dans un salon ; les interlocuteurs sont assis autour d’une table, ils prennent du thé, et sont le plus spirituels qu’ils peuvent.

LE DOCTEUR A.

À propos, madame, vous seriez bien aimable de m’expliquer nettement ce que c’est qu’un revival ; je n’entends parler d’autre chose par la ville et je me doute bien que cela touche Jésus-Christ et la religion ; mais je n’en sais pas davantage et je vous serais fort obligé de compléter mon instruction.

MISTRESS M.

Vous voulez sans doute vous moquer de moi, docteur ; mais n’importe, je suis ferme dans mes principes et ne crains le rire de personne.

LE DOCTEUR A.

De grâce, madame, éclairez-moi.

MISTRESS M.

Il est vraiment difficile, docteur, de faire voir les aveugles et de faire entendre les sourds ; mais enfin j’essayerai. Un revival est comme une élégante illumination de l’esprit ; les mains des saints l’apportent au peuple du Seigneur : c’est le salut au plus haut degré.