Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
MŒURS DES AMÉRICAINS.

Nonobstant cette révoltante licence, la persécution existe en Amérique à un degré inconnu parmi nous depuis les temps de Cromwel. Je tiens l’anecdote suivante d’un gentilhomme qui en avait connu toutes les circonstances. Un tailleur de New-York s’était permis, un dimanche matin, de vendre un assortiment d’habits à un marin qui allait mettre à la voile. La corporation des tailleurs dirigea contre lui une poursuite ; il fut convaincu, et on le condamna à une amende qui le ruina complètement. M. F., avocat de la ville, avait présenté avec une grande chaleur la défense du coupable ; et quoiqu’il eût échoué, il n’en fallut pas davantage pour soulever contre lui l’animosité des presbytériens, qui détruisirent complètement sa clientelle. Ce ne fut pas tout : son neveu se préparait à cette époque pour le barreau ; peu de temps après l’évènement, il présenta ses certificats de capacité et demanda à être admis ; mais il fut refusé, et on lui déclara « qu’aucun homme du nom de F… ne pouvait être admissible. » Je rencontrai plus tard ce jeune homme dans le monde ; il était plein d’esprit et de talent ; obligé de renoncer à sa profession, il s’était fait journaliste.

« On peut juger de la sévérité religieuse des mœurs de Philadelphie, dit ailleurs mistress Trollope, par le grand nombre de chaînes tendues le dimanche à travers les rues, et qui les interceptent à tout cheval et à toute voiture. Les juifs eux-mêmes ne portent pas à ce point l’observation des pratiques extérieures de leur culte. Ce que deviennent les hommes le dimanche à Philadelphie, je n’en sais rien ; mais la quantité de femmes qui remplissent les églises est vraiment prodigieuse. Quoique la secte des quakers y domine, la variété des croyances n’y est pas moindre que partout ailleurs, et l’influence des prêtres s’y montre tout aussi illimitée dans quelques cercles. »


th. jouffroy.